En stage

En stage

En stage : une gageure  

Organiser un stage de deux jours d’Art Clownesque (Rossignol/Dallaire) est une gageure, j’y vois plusieurs aspects : les attentes de chacun et l’alchimie ou l’amalgame des personnalités avec la proposition pédagogique. Ce stage sur deux jours fut ainsi ouvert à tous les niveaux de jeu, sans distinction artistique.
Attentes
Quand on participe à un stage, les attentes de chacun sont diverses : recherche personnelle (risque de clashs) recherche du personnage (travail le plus long : besoin de temps, risque de frustration) ou personnage installé (quelle pédagogie pour avancer, ne correspond pas à l’attente du stagiaire).Le stagiaire est d’emblée, confronté à la personnalité du formateur, où entraîne t il le groupe ?.


On se doit dans cet engagement de primer la confiance. Attention à l’apriori sur la direction prise par le formateur. L’apprentissage de l’art clownesque s’installe dans la durée ce qui est contradictoire avec celle, limitée d’un stage. Le stagiaire peut sembler orienter sa recherche vers les recettes pour faire rire, comme garantie de tirer profit au maximum du stage.
Personnalités
Il y a aussi les egos, le mal être dans le collectif peut être lié à la compétition inconsciente ou à la simple incompatibilité des caractères. Il ou est meilleur que moi dans le duo, je ne réussis pas ce qu’il demande, ici tout doit être dit, verbalisé, les frustrations dépassées, si on n’y arrive pas on arrête et on reprend plus tard.

En stage avec la compagnie

J’ai fait le choix d’une proposition pédagogique condensée, de la découverte du clown jusqu’au numéro de scène. C’est un premier défi de soumettre en si peu de temps une sorte de résumé des techniques ou contraintes principales. Ceci pour établir d’entrée de jeu un étayage conséquent, pour accéder au jeu clownesque proprement dit.

Au-delà de deux jours de stage quand les techniques sont vues et revues, quand l’imprégnation physique, mentale font leur office, quand le personnage s’est affirmé la recherche se précisant, la conjonction : techniques clownesques et personnage se déclenche. Le plaisir qu’on s’autorise à vivre avec le public surgit, brut, vrai, transcendé, poétique, politique et le rire devient libératoire.
Etre sur le chemin est facile, rapide, cependant le but est le chemin, oui le chemin et en cela l’art clownesque est un apprentissage long, difficile.
Le second temps consiste à gagner cette confiance indispensable à l’exposition devant le public. Après quelques prestations scéniques, j’ai expérimenté cette nécessité vitale. Il est évident que le clown doit se poser la question du public, qui est le public pour le personnage ?

En stage : le test du public

J’ai pris le parti de ne rien savoir des stagiaires, motivation personnelle, sensibilité ou psychologie de chacun, niveau de pratique de l’Art Clownesque.
Ce  » ne pas savoir  » a un défaut, le risque potentiel de clash du groupe ou d’un élément du groupe. Mes exigences du formateur mettront de côté les situations de souffrances personnelles. Je propose une gestion collective, un consensus sur niveau commun et une règle, je donne autant que je peux à chacun et j’ai la même exigence quelle que soit la personne que j’ai en face de moi.

On retrouve ce processus dans une salle de classe, un projet commun but ou élan commun, ce qui contribue à l’émulation du groupe mais qui peut engendrer aussi des incompréhensions, des situations de crise, des frustrations. Cette méthode pédagogique n’a jusqu’à ce jour, jamais précipité un clash du groupe.


Je décide ainsi d’être interventionniste dans les impros pour montrer ou aller, identifier les élans, préciser les techniques. Cette étape est nécessaire pour envisager la suite, la mise en application. Il s’agit ici autant de contraintes de jeu (le fond) que de contrainte de mode pédagogique, acceptation du propos (la forme).

Ensuite nous entamons la recherche des failles du personnage, de l’être. Le traitement peut interroger par exemple, je propose une chanson ou un mini prétexte et je demande des retours de chacun, à savoir la perception du groupe sur chacun des personnages, du personnage au travers de la personnalité.
Personnage, personnalité
On ne peut pas ici dissocier le personnage, de la personnalité. Le personnage est l’autre soi, ce qui peut prêter à confusion dans la compréhension du propos. Pourtant dans notre recherche on jongle entre le personnage qui est notre source intérieure, notre être intime à la différence du personnage de fiction, et notre personnalité, l’être social.

Impossible ici de créer un être artificiel, il s’agit de nous, uniquement de nous. Nous sommes ici comédiens pour exprimer notre être intérieur, notre personnage, mais nous n’utilisons pas notre être intérieur au service d’un personnage de fiction, ce qui est le travail du comédien de théâtre.


Ensuite vient le jeu à proprement parlé. Après une première imprégnation, physique et mentale des contraintes, les jeux deviennent source de création et chaque improvisation et proposition de jeu nourrissent le personnage, le confronte à la réalité de sa vie clownesque en rapport avec le public.

Ces exigences prouvent pendant ces moments de confrontation que tout est possible et après avoir assimilé les étapes nécessaires au numéro clownesque, le plaisir d’exprimer son personnage devient une évidence.
Conclusion
On ne sort pas d’un stage d’art clownesque comme on y est entré, on est dérangé, interrogé, stimulé, frustré en tout état de cause changé et c’est là l’effet de la gageure.
Si il y a un défaut de comédien, on ne sort pas meilleur comédien au bout 2 jours, idem sur la recherche du personnage, idem sur le niveau supérieur du clown quand il apparaît que le stage ne remplacera pas la confrontation avec le public.